vendredi 27 décembre 2013

L'homme du peuple prend le pouvoir à New Delhi

Il pourrait se fondre au milieu d'une foule indienne sans s'en distinguer, ni par le look, ni par l'attitude.

Arvind Kejriwal avance dans le monde sur-télévisé de la politique indienne habillé d'un simple pantalon gris et d'un pull uni bleu - ou avec les coloris inversés, parfois-, et drapé, en cet hiver brumeux de la capitale, d'une écharpe qui lui passe au-dessus de la tête, dans ce qui ressemble à un accoutrement de réfugié frigorifié.

Mais cela lui est égal : cet ancien cadre de l'inspection des impôts a la constance de ne pas se soucier de son apparence. L'impertinence d'avoir l'air ordinaire. Et d'en être fier : le seul signe distinctif, la seule médaille qu'il arbore et ne semble vouloir se défaire est ce beret triangulaire blanc sur lequel est écrit : "Mai hu aam admi", "Je suis un homme du peuple". L'apparence est un puissant langage, et qu'il le veuille ou non, Arvind Kejriwal en dit énormément à travers cette tenue ordinaire. 

Et c'est avec cet accoutrement "douteux" que cet homme sans prétention va devenir Ministre en chef du puissant et stratégique Etat de New Delhi, ce samedi 28 décembre, après que son jeune Aam Admi Party, le Parti de "l'homme du peuple", a remporté 40% des sièges du conseil régional. Dans ce pays où un seul parti, le Congrès, et un seul nom, les Nehru-Gandhi, ont réussi à tenir les reines de la politique nationale de manière quasiment monarchique depuis 65 ans, où la simple qualité d'être bien-né offre à Rahul Gandhi le droit de se présenter comme Premier ministre sans jamais avoir vraiment fait de politique, Arvind Kejriwal est en train d'initier une révolte étourdissante. 

Cela passe par des détails : la lutte contre les privilèges des nantis, qui s'octroient le droit de créer des embouteillages monstres dans la capitale en faisant hurler leurs sirènes. Refuser d'avoir des dizaines de policiers pour l'escorter, une habitude qui détourne ces forces de leur raison première, à savoir protéger les citoyens. Et décidant de prendre le métro pour se rendre à sa cérémonie de prise de fonctions. 

Cela serait taxé de populisme si cela venait de n'importe quel autre politicien. Mais Arvind Kejriwal, le regard toujours perdu et l'air timide, n'est pas un politicien. En tout cas, il ne joue pas selon les règles habituelles et cela déstabilise ses adversaires. Ce militant anti-corruption de longue date engage des candidats inexpérimentés et inconnus du grand public, mais au travail social de quartier reconnu, pour se présenter contre des caciques chevronnés, et les premiers déboulonnent les derniers. Lui-même, audacieux, suicidaire disaient beaucoup, est parti affronter l'ancienne Ministre en Chef de Delhi, en place depuis 15 ans, dans sa circonscription. Et il l'a terrassé. 

Arvind Kejriwal expérimente, écoute, avance les yeux et les oreilles ouvertes. Il trébuchera, se trompera, reviendra sur ses décisions. Mais ne semble pas avoir peur d'avouer ses erreurs. Car il ne calcule pas en terme de gain personnel, mais il avance en équipe, pour vraiment améliorer le quotidien des citoyens sans détourner des millions de roupies au passage. Eradiquer, tout simplement, cette gangrène terrible qui empêche l'Inde de grandir : la corruption. Et cela fait beaucoup de bien à voir.    

Pour découvrir le parcours exceptionnel d'un homme ordinaire, l'ascension fulgurante d'un ingénieur et cadre du ministère des impôts, jusqu'à la tête de la capitale indienne, voici un portrait diffusé sur France Culture. 


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