mardi 15 juillet 2014

L'Inde, championne de la discrimination positive

C'est le retour de bâton qui mécontente une partie privilégiée de la population indienne.
Dans cette société traditionnellement divisée en castes inégales, les démocrates et pères de l'indépendance ont institutionnalisé l'un des premiers systèmes de discrimination positive au monde. La Constitution indienne de 1950 favorise ainsi les mesures qui peuvent permettre l'ascension sociale des castes marginalisées, appelées "Schedule Castes" (comprenant les intouchables), ainsi que des populations tribales.    

Tous les Indiens ne naissent pas avec les mêmes chances.
©Sébastien Farcis
Quelques années plus tard, un système de quotas était ainsi établi afin de réserver des places à ces groupes au sein des différentes assemblées - espérant que ces représentants parleraient en leur nom et défendraient leurs causes. Cela, quand ce fut le cas, n'a guère suffi, même si aujourd'hui, 27% des sièges de la Chambre basse sont réservés à ces deux classes de population.

En 1982, ces mesures furent donc étendues à tout le secteur public:  depuis l'attribution des postes de fonctionnaires jusqu'aux places dans les universités, le même quota de 27% devait être respecté. Ces instruments correcteurs devraient dans l'absolu être temporaires et disparaître quand le déséquilibre a été corrigé. Mais à l'échelle de l'Inde et face à la profondeur des inégalités, un tel changement s'avère très long et perdure donc après plus de 60 ans.

Le problème, c'est que cet acquis d'un jour se transforme en droit, puis en faveur accessible par d'autres. En 2008, face à leurs bruyantes revendications, le parti du Congrès a ainsi décidé d'intégrer un nouveau groupe, très important, dans ce système : les Other Backward Classes ( "les autres classes défavorisées"). Une catégorie très nombreuse et hétéroclite, qui bénéficie aujourd'hui d'un quota de 22,5% dans tous ces postes.

Depuis lors, 49,5% des emplois dans les services publics ou places dans les universités publiques, y compris les grandes écoles comme les prestigieux Indian Institute of Technology (IIT), sont réservés à ces différentes catégories. Imaginez le même système appliqué à l'entrée à l'ENA en faveur des habitants des banlieues...

Cette dernière mesure a été très contestée, entre autres par les responsables des instances de l'éducation supérieure, dont certains ont démissionné avec fracas et argumentaire public. Ils dénonçaient l'instrumentalisation politique de ces faveurs dans le seul but d'attirer les voix de ces électeurs. Ce débat se révèle très complexe, car comment définir qui est marginalisé, dans un pays où plus d'un tiers de la population ne mange pas à sa faim ? Et où la galaxie des castes compte des centaines d'astres en mouvement, certains groupes d'anciens "ferronniers" devenant riches quand les brahmanes auparavant dominants perdent en lustre et en richesse ?

Ce système de discrimination positive est efficace, dans une certaine mesure : il récompense et soutient des populations qui ont dû lutter pour s'instruire au sein d'un enseignement public délabré et souffrent d'un terrible complexe d'infériorité lors des concours d'entrée dans les grandes écoles. Ces quotas leur permettent alors d'y accéder en obtenant une moins bonne note que leurs collègues de castes plus favorisées.

Mais la sélection dans ces grandes écoles est devenue tellement sévère ( 9600 places pour 512 000 candidats pour les IIT, soit moins de 2% de réussite ) que ces élèves de la "catégorie générale" commencent à râler : non seulement il leur faut souvent réussir l'examen sans une seule faute, mais la moitié des places est réservée à des étudiants qui peuvent, eux, obtenir de moins bons résultats.

Ce débat complexe refait surface pour ces étudiants qui passent en ce moment leurs concours, et j'ai donc décidé de bucher avec eux dessus. 




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