lundi 15 avril 2019

L'Inde, un pays riche qui compte toujours autant de pauvres

Germain Araud est un entrepreneur enthousiaste. Ce Français est en charge de l’implantation de la première usine en Inde de Monin, une marque de sirop hexagonale. Il travaille dans le pays depuis quinze ans, et ces dernières années, il a vu le climat des affaires se simplifier énormément. «Toutes les procédures ont été numérisées, ce qui permet d’avoir une meilleure visibilité. Une fois qu’on a constitué et soumis le dossier, créer une filiale ne prend plus que quelques jours ! Et l’accès aux prêts encadrés a également été facilité par la banque centrale», se réjouit-il. Et la «vraie révolution», conclut Germain Araud, a été l’instauration en 2017 de la Good and Services Tax (GST), une TVA nationale qui a mis fin aux différentes taxes régionales et simplifié le commerce entre Etats fédérés.
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Toutes ces améliorations ont permis à l’Inde de bondir de 65 places en quatre ans dans le classement de la Banque mondiale sur la facilité de faire des affaires, pour se placer au 77e rang. Le BJP, parti traditionnellement proche des groupes industriels et commerçants, a ouvert de nouveaux secteurs aux investissements étrangers et libéralisé le marché de l’emploi, tout en accélérant la construction d’infrastructures pour créer une Inde «moderne et urbaine». Mais ces réformes ont cependant du mal à être absorbées par les petites entreprises du secteur non organisé, qui emploient plus de 90 % de la main-d’œuvre. Le système fiscal de la GST est trop complexe pour ces sous-traitants, qui perdent donc des clients.
Rameshwar Singh possède une entreprise artisanale de fabrication de jouets en bois à Bénarès. ®SF 
Le gouvernement de Narendra Modi a également fait dérailler l’économie fin 2016 en imposant une démonétisation sauvage, qui a exacerbé le chômage, multiplié par trois en six ans, pour se situer en 2018, selon une étude statistique publique qui a récemment fuité dans la presse, à son plus haut niveau depuis quarante-cinq ans. La moitié de la population active dépend encore de l’agriculture et a commencé à migrer vers les villes, où les emplois industriels peu qualifiés sont rares, en partie à cause de l’automatisation croissante. En parallèle, au moins huit millions de jeunes diplômés arrivent chaque année sur le marché de l’emploi, bien plus que ce que le tertiaire, moteur de la croissance indienne, peut absorber. Devenue la 6e économie du monde en termes de PIB, devant la France, avec une croissance de plus de 6 % par an, l’Inde demeure un pays riche avec énormément de pauvres : 90 % des actifs gagnent moins de 125 euros par mois. Cela a poussé le Parti du Congrès, dans l’opposition, à promettre l’instauration d’un revenu minimum garanti de 920 euros par an pour les 50 millions de foyers les plus pauvres - pour un budget de 46 milliards d’euros par an - dans le but de les sortir de la misère et de dynamiser l’économie via une hausse induite de la consommation. Le BJP, devant l’échec à réduire ce problème de l’emploi par un «ruissellement par le haut», préfère maintenant faire campagne sur la promotion de la culture hindoue et la haine du Pakistan
Article publié dans Libération le 11 avril. 

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