mardi 3 janvier 2012

Anna Hazare, une star bollywoodienne en baisse de popularité

La foule attend leur héros Anna à Bombay, le 27 décembre,
pour sa 3è grève de la faim.

C'est un spectacle qui dure, et comme tous les grands shows bollywoodiens, il vous tient en haleine, s'interrompt, pour mieux reprendre dans un nouvel épisode.

Anna Hazare est âgé de 74 ans, mais il a décidé de prendre le temps. Le temps serait son arme dans un combat anti-corruption qui semble impossible à remporter. Il suspend ce temps en cessant de s'alimenter, ce qui ne fait qu'accélérer la cadence autour de lui. Il s'isole dans un mutisme quasi-complet pendant ses jeûnes alors que tous ne veulent que l'entourer, l'embrasser, le faire parler. L'immobilité physique comme ultime force de réforme de la société. Gandhi, dont il se réclame, l'avait maitrisée avec brio; il faut un charisme exceptionnel pour réussir à user de cette puissance décuplée, et Anna Hazare en est muni. 

Mais Anna Hazare faiblit. Anna Hazare doute. Et contrairement aux héros de Bollywood, Anna Hazare n'est pas démiurge. Il n'obtiendra que ce que les professionnels de la politique voudront bien lui donner.

Le jeûne de Bombay est couvert comme un film de Bollywood
Et les quelques manifestants devenus de vrais acteurs de l'actualité













Anna Hazare a interrompu sa troisième grève de la faim, à Bombay, le 29 décembre dernier, dans la précipitation face à un manque de réponse de ce peuple de masse qui créé cette arme charismatique, à une santé fléchissante dans l'hiver tropical, et un parti du Congrès qui a réussi à rassembler une majorité pour faire passer son projet de loi à la Chambre basse

Le gouvernement n'a cependant pas eu le dernier mot, comme il est de coutume avec ce Parlement indien incontrôlable, où le principal parti d'opposition du BJP est aussi immature et bassement calculateur qu'il rejette toute tentative de réforme qui serait présentée par son ennemi du Congrès. La loi n'est pas passée à la Chambre haute. Le BJP y avait bien miné le terrain, muni de 187 amendements sur lesquels il fallait voter en quelques heures. Autant dire une obstruction en règle. 

Un manifestant qui doit avoir
le même âge qu'Anna
Anna Hazare a remporté les deux premières manches - ses deux premières grèves de la faim, la première car le gouvernement avait été pris de court, la deuxième par son manque de calcul politique -  mais le gouvernement est en train de reprendre la main. 

Selon les politologues que j'ai consultés, la forme actuelle de la loi anti-corruption proposée par le gouvernement serait "un tigre de papier". D'autres parlent d'un "organe sans dents", sans pouvoir d'action. Le Lokpal, grand médiateur et investigateur central qui serait chargé d'enquêter sur les actes de corruption des fonctionnaires, serait, sur le papier, dépourvu de tout pouvoir de poursuite. En gros, il pourrait enquêter, puis remettre ses conclusions au bureau central d'investigation, le même corps policier qui n'a pu éviter ni punir l'énorme majorité des détournements publics des dernières décennies. 

Cette réforme accoucherait d'un organe inoffensif, qui n'irait sûrement pas déranger ceux qui la créent et sont en même temps, malheureusement,  les premiers suspects dans cette histoire. 

La force de l'immobilité. Le gouvernement aurait alors retourné l'arme contre le pauvre Anna Hazare, qui aurait usé sa santé pour une fausse réforme.

La suite au prochain épisode.


Pour entendre les manifestants et l'ambiance, voici un reportage diffusé sur France Info. Cette version n'est pas doublée, mais la plupart est compréhensible. 



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