mardi 24 janvier 2012

L'affaire Salman Rushdie, ou la victoire des extrêmistes

Salman Rushdie ©
Il est reconnu comme l'un des meilleurs écrivains indiens des dernières années; il a décrit dans la prose complexe des "Enfants de Minuit" la naissance aux forceps de l'Inde moderne ; et a reçu pour cela l'une des plus grandes distinctions littéraires, le Booker Price. 
Mais en Inde, son pays de naissance, Salman Rushdie est un paria. Un danger pour "l'équilibre social et communautaire", pour la "sécurité". 
L'Inde a été le premier pays au monde à interdire "Les Versets Sataniques", dès sa sortie en 1988, et encore aujourd'hui, non seulement l'ouvrage est toujours banni des librairies, mais le gouvernement assure que certains groupes musulmans indiens seraient capables de tenter de le tuer s'il remettait les pieds dans le pays. 
Plus de 20 ans après la rédaction de cet ouvrage, des milliers de fanatiques ou d'incrédules continuent à voir dans les rêves d'un personnage fictif la moquerie de toute une religion et de son prophète. Ceci, pour les quelques rares individus qui ont vraiment lu "Les Versets Sataniques".

Cette intense et nauséabonde controverse est née suite à l'annonce de la venue de Salman Rushdie au festival de littérature de Jaipur, qui se tient depuis le 20 janvier dans cette ville du Rajasthan. Plusieurs jours avant le festival, certains groupes musulmans avaient appelé à manifester si son invitation était maintenue. Puis ce fut au tour du gouvernement fédéral et national de demander à Rushdie d'annuler sa visite, pour "raison de sécurité". Face à son refus, le gouvernement du Rajasthan aurait fait l'inimaginable : ces élus auraient fait croire que des assassins de Bombay avaient été engagés pour assassiner Salman Rushdie. Menace crédible, qui a persuadé l'auteur à rester en Angleterre. Mais menace fabriquée de toutes pièces, selon l'enquête menée par le journal The Hindu

Cette mauvaise intrigue d'espionnage est lugubre et triste. Car elle révèle d'abord à quel point le gouvernement indien, à ses différents échelons, plie devant les menaces de certains groupes musulmans qui menacent un citoyen d'actions violentes, voire meurtrières. Et il avoue ainsi son incompétence, ou, pire, son manque de volonté, de protéger ses ressortissants face à l'extrêmisme religieux. Enfin, et surtout, ces élus enterrent ainsi la possibilité de faire avancer la liberté d'expression dans ce qui est trop souvent appelé "La plus grande démocratie du monde". 

Je vous renvoie vers certaines chroniques passionnantes, parues ces jours-ci sur le sujet, dont les simples titres indiquent la gravité du moment : 
"The national shame", The Hindu


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