lundi 8 février 2021

En Inde, un lent retour à une vie normale et l'espoir d'une immunité collective


La vie reprend peu à peu ses droits en Inde, alors que des études sérologiques semblent démontrer qu'une immunité collective pourrait avoir été atteinte à New Delhi, mais aussi dans le reste du pays, où, relativement, les cas d'infection au Covid-19 ne cessent de baisser.


Plus d’un habitant de New Delhi sur deux aurait été en contact récent avec le Covid-19 et aurait ainsi développé des anticorps qui le protégeraient contre une infection grave. Ce sont les résultats préliminaires de la cinquième enquête sérologique, menée par le gouvernement régional, et qui porte sur 28 840 échantillons prélevés sur des habitants de toute la capitale – la plus large étude du genre à New Delhi jusqu’à présent. Les résultats définitifs seront publiés dans les jours qui viennent, mais la moyenne de contamination est déjà estimée à plus de 50 %, avec un district à près de 60 %.

New Delhi, qui compte environ 20 millions d’habitants, pourrait ainsi devenir l’une des premières villes au monde à atteindre officiellement le seuil d’immunité collective contre le Covid-19. Le niveau pour y arriver dépend de chaque maladie (il est de 80 % pour la polio et de 95 % pour la rougeole, mais il n’est pas encore connu pour ce coronavirus), et il est généralement atteint grâce à la vaccination. Dans le cas présent, ce n’est pas le cas, puisque celle-ci n’a commencé que le 16 janvier en Inde et uniquement pour les professionnels de santé.

Population plus jeune qu’en Occident

«Ces chiffres semblent raisonnables, estime Ritu Priya, docteure et professeure de santé publique à l'université Jawaharlal-Nehru, à New Delhi. Et cela nous offre l'espoir d'atteindre l'immunité collective sans être vaccinés.»

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C’est une très bonne nouvelle pour la capitale du deuxième pays le plus fortement touché par cette pandémie, en données absolues : plus de 10 millions d’Indiens ont été testés positifs au nouveau coronavirus, et 154 000 en sont décédés.

Cette étude ne concerne pour l'instant que New Delhi, mais des situations similaires pourraient se concrétiser dans plusieurs autres grandes mégalopoles indiennes, où la densité de population est très élevée et où le virus a dû se propager à la même vitesse. Dans le bidonville de Dharavi, à Bombay, qui compte environ un million de personnes résidant les unes sur les autres, une autre étude sérologique avait trouvé des anticorps du Covid-19 chez 57 % des habitants testés. C'était en juin dernier. Depuis, l'immunité collective pourrait avoir été atteinte dans ce quartier, puisque le nombre de cas détectés y a chuté drastiquement, jusqu'à tomber à zéro pour quelques jours à la fin décembre. Cela est arrivé sans causer d'hécatombe dans ces zones surpeuplées, ce qui serait possible en partie parce qu'en moyenne la population indienne est bien plus jeune qu'en Occident. «Surtout nous sommes régulièrement exposés à un environnement qui n'est pas aussi sain, donc nous avons probablement une meilleure immunité», explique la Dr Ritu Priya.

Une baisse constante des contaminations

La propagation de cette immunité collective à toute l’Inde pourrait expliquer la récente baisse constante des contaminations : le pays a enregistré 89 900 nouveaux cas la semaine dernière (12 800 par jour en moyenne), soit 6 % de moins que la précédente, et le résultat le plus bas depuis le mois de juin 2020. C’est également la première fois depuis le mois de mai que le pays, qui compte 1,3 milliard d’habitants, comptabilise moins de 1 000 décès du Covid-19 par semaine, enregistrés officiellement. Plus d’une centaine de cas du nouveau variant anglais ont été détectés, mais cela n’a pas entrainé de nouveau pic de contamination. Du reste, la circulation du virus est particulièrement localisée : 68 % des nouveaux cas et 52 % des décès sont enregistrés dans les deux Etats du Kérala et du Maharashtra (où se trouve Bombay), alors qu’aucune nouvelle contamination n’a été identifiée dans un cinquième des districts du pays entre le 20 et 27 janvier.

La vie reprend donc doucement ses droits en Inde. Les restaurants, marchés et vols intérieurs sont à nouveau bondés et les embouteillages de retour en force. Les dernières restrictions au commerce commencent aussi à être levées par le gouvernement fédéral. Depuis ce lundi, les cinémas peuvent vendre tous leurs sièges, contre la moitié jusqu'à présent, et les piscines ont rouvert au public. Restent les écoles, qui demeuraient fermées dans la plupart des Etats indiens, en dehors des dernières classes de lycée, autant à cause de la réticence des parents que des autorités. Depuis ce lundi, l'école britannique de New Delhi, privée, autorise les petits à revenir, pour ceux qui veulent. «J'étais à moitié à l'aise, confie Jacob Singh, qui a renvoyé lundi sa fille de 10 ans à l'école, pour la première fois depuis mars. Mais la direction fait très attention, les enfants doivent porter leur masque tout le temps, et il semble qu'on a bientôt atteint l'immunité collective, se rassure ce parent. Surtout, cela vaut la peine de prendre le risque, car ma fille a besoin de socialiser à nouveau. Elle ne peut pas passer sa jeunesse à parler devant un écran !»

Article publié dans Libération le 1er février 2021

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